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Gestion de portefeuille : focus sur les marques leaders

D'ici 2030, trois grandes tendances façonneront l'économie : technologie (IA, robotique), évolutions démographiques (premiumisation, tourisme) et santé/style de vie (sport, alimentation végétale, bien-être).

En 2009, Lombard Odier Investment Managers (LOIM), la société de gestion d’actifs du groupe bancaire suisse Lombard Odier lançait son fonds : LO Funds – World Brands fund. Juan Mendoza son portfolio manager (Lead) dévoile la philosophie et la stratégie d’investissement de l’OPCVM.

Juan Mendoza, quelles sont les principales caractéristiques de ce fonds ?

Il s’agit d’un OPCVM avec six classes d’actions en EUR, USD, GBP, CHF et SGD. La construction du portefeuille suit l’indice de référence MSCI World (avec une marge d’erreur de 5 à 10%). L’indice MSCI World de Morgan Stanley Capital International (MSCI) reprend les cours des actions sur les bourses des pays industrialisés. Au 16 janvier 2025, les actifs sous gestion du fonds se montaient à USD 923 millions. Depuis son lancement en 2009, je gère le fonds avec le support d’une équipe d’analystes au sein de LOIM – la société gère en tout 64 milliards et compte plus de 200 professionnels de l’investissement.

Justement, quelle est votre philosophie d’investissement ?

Notre philosophie s’inspire de la maxime suivante de Warren Buffett : « La décision la plus importante dans l’évaluation d’une entreprise est le pouvoir de fixation des prix. Si vous avez le pouvoir d’augmenter les prix sans perdre d’affaires au profit d’un concurrent, vous avez une très bonne affaire. »

Nous regardons la marque (à savoir l’entreprise) selon les critères suivants : son efficacité du capital (avec un rendement des capitaux propres élevé) ; son fort pouvoir de fixation des prix (en choisissant la meilleure marge bénéficiaire brute de sa catégorie dans l’industrie) ; et avec un focus sur la meilleure croissance des ventes de sa catégorie dans l’ensemble de l’industrie.

Nous prônons également un horizon d’investissement à long terme, avec une vision entre 3 à 5 ans, qui nous permet de regarder au-delà des mouvements court-termistes, et d’avoir une vue d’ensemble des forces structurelles du changement qui peuvent se dessiner.

Nous avons par ailleurs une approche fondamentale « bottom-up » concernant l’investissement en actions, basée sur une sélection de titres agnostique, qui repose sur l’analyse fondamentale, et sur une forte conviction dans l’opportunité d’investissement.

« Ces entreprises […] possèdent un avantage concurrentiel fort, et leurs actifs intangibles sont difficiles à répliquer. »

Sur quels marchés investissez-vous ?

À 75% sur le marché américain. Ainsi qu’en Europe (Italie, France, Danemark, Suisse) et en Asie (Chine, Hong-Kong, Corée du Sud, Japon, Taïwan).

Quels secteurs industriels ciblez-vous plus particulièrement ?

Nous recherchons des opportunités dans six secteurs complémentaires.

Il s’agit de la consommation discrétionnaire (luxe, voyages, éducation, commerce électronique) et de la finance (Fintech, cartes de crédit, établissements de crédit à la consommation, gestionnaires d’actifs). Ces deux secteurs sont par nature cycliques.

Il s’agit également des activités des technologies de l’information et des services de la communication (divertissement, médias sociaux, jeux, e-sport), deux secteurs de forte croissance.

Il s’agit enfin de la consommation de base (alimentation, boissons) et de la santé (soins personnels, santé obésité et dermatologie), deux secteurs plutôt défensifs.

Dans quelles entreprises le fonds investit-il en priorité ?

Le fonds investit dans des actions de marques leaders. Ces entreprises, en effet, possèdent un avantage concurrentiel fort, et leurs actifs intangibles sont difficiles à répliquer. Elles proposent les meilleurs produits dans leur catégorie. Elles sont dotées d’un fort pouvoir de fixation des prix, et notamment d’une capacité à augmenter leurs prix avant l’inflation. Leurs revenus sont récurrents, constants et prévisibles. Elles sont profondément ancrées dans les écosystèmes numériques. Et enfin elles bénéficient d’un attachement fort de la part de leurs clients aux valeurs de la marque, et d’une fidélité de la part d’une communauté de clients.

Financièrement, ces marques mondiales fortes génèrent les plus grands revenus ; elles ont un pouvoir de fixation des prix démontrable ; elles disposent de flux de trésorerie élevés sur les capitaux employés ; elles génèrent des rendements durables et à long terme. Les plus fortes marques du moment sont donc Apple, Amazon, Google ou encore Microsoft.

D’après le classement de BrandFinance 2024, l’un des think thanks spécialisés dans l’évaluation des marques, la valeur de la marque Apple a augmenté de 74 %, faisant d’elle la marque la plus forte au monde, avec une marge bénéficiaire énorme, notamment grâce au plein essor de l’intelligence artificielle (IA). Microsoft est devenue la deuxième marque la plus précieuse au monde, suivie en 3ème position de Google, alors qu’Amazon a rétrogradé de la 1ère à la 4ème place, et que TikTok est passé de la 10ème à la 7ème place avec une croissance de valeur de 28 %.

Dans les années 1980, les marques fortes étaient GM, IBM, Benetton et ExxonMobil. Dans les années 2000, Coca cola, McDonald’s, Nokia et Microsoft étaient les plus valorisées. Dans les années 2020, Apple, Amazon, rejoignaient Coca Cola, Mercedes et Microsoft en haut de la liste.

« D’ici 2030, trois grands tendances globales fortes devraient générer des opportunités de croissance séculaire […] »

Comment sélectionnez-vous ces marques ?

Nous classons les marques ciblées dans trois catégories distinctes.

Le groupe des marques mondiales (« Global brands ») : ce sont des firmes dotées d’un fort profil financier. Leur marge EBIT et leur rendement des capitaux propres sont supérieurs à la moyenne. Ces marques ont d’autre part un modèle d’affaires typique : elles bénéficient d’une fidélité forte et durable des consommateurs, et elles offrent des opportunités d’extension dans plusieurs catégories de produits. Citons : Apple, Lululemon, Ferrari, Tesla, Hyatt Hotels, Hermès, Amer Sport (Wilson, etc.)…

La catégorie des marques émergentes (« Upcoming brands») ensuite : ces entreprises se positionnent comme des challengers et des disrupteurs, avec une forte croissance de leur chiffre d’affaires et de leurs produits. Elles prennent des parts de marché aux opérateurs historiques. Et leur modèle d’affaires innovant est basé sur l’investissement dans le capital de marques, sur la réduction des dépenses et des flux de trésorerie plus bas. On pense ici à Makemytrip, Pop Mart, Haidilao, RH…

La catégorie des plateformes digitales (« digital brands ») enfin : leur profil financier est marqué par une forte croissance des revenus et des bénéfices. Avec un modèle d’affaires disrupteur ou générateur de nouveaux marchés, elles innovent constamment en termes d’expérience utilisateur ou améliorent cette dernière en permanence. Elles ont un fort pouvoir de rétention de leur clientèle. Elles ont aussi des coûts de changement élevés. Il s’agit ici de Meta, Nvidia, Uber, BiliBili, Youtube…

Nous pensons qu’à l’avenir les marques les plus fortes au monde seront spécialisées dans les secteurs de la santé, des robotaxis ou de l’intelligence artificielle.

Sur quelles considérations basez-vous ces prévisions ?

D’ici 2030, trois grands tendances globales fortes devraient générer des opportunités de croissance séculaire, qui façonneront des marques de premier plan. Il s’agit des tendances technologiques, des tendances démographiques et des tendances liées à la santé et au style de vie.

Elles offrent en effet un potentiel de croissance exponentielle, qui constituera une source importante de bénéfices pour les investisseurs qui ciblent les actions de ces marques mondiales qui sauront répondre de manière ciblée à ces tendances.

Prenez le secteur de la technologie, qui voit l’émergence de nouvelles opportunités comme la conduite autonome, la robotique, et l’espace. Rien que pour la digitalisation, le marché potentiel global est estimé en 2030 à 12,3 trillions de dollars US ; d’ici 2026, celui de l’IA atteindra les 1,5 trillion de dollars US.

Même chose pour les tendances démographiques : avec notamment l’arrivée de nouvelles générations de consommateurs aux besoins et attentes différentes ; n’oublions pas non plus l’allongement de l’espérance de vie ou encore le marché des animaux domestiques qui connaît déjà une forte croissance. Avec à la clé un potentiel de croissance de la premiumisation estimé à 2 trillions de dollars US d’ici 2030. Concrètement, la premiumisation consiste à faire monter en gamme un produit ou service existant, et à le proposer sous une version dite de « luxe », ou bien à le décliner sous une forme « premium ». Nous pensons aussi au tourisme, dont le marché potentiel est estimé à 12 trillions de dollars US d’ici 2030.

Le domaine de la santé et du style de vie connaît lui aussi un boom important : prenez le sport, avec un potentiel global de marché de 1,5 trillion de dollars à l’horizon 2030 ; ou bien les produits destinés à la perte de poids (200 milliards de dollars US en 2030) ; ou encore le « New Food » et les nouvelles tendances dans l’alimentation d’origine végétale et plus saine, ou enfin les progrès dans les sciences de la vie.

Marc Auxenfants
Marc Auxenfants
Marc couvre les affaires et la gestion, la banque et la finance, les start-ups et l'innovation. Marc a précédemment travaillé comme reporter pour le Luxembourg Times, le Luxemburger Wort et Paperjam, et a écrit des contributions entre autres pour la BBC, The Guardian, InCyber et Silicon Luxembourg.

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