La Silicon Valley a longtemps régné en maître sur le développement des licornes, mais sa domination est de plus en plus contestée par des pôles de capital-risque émergents comme Shenzhen, Pékin, Singapour et Tel Aviv. Aujourd’hui, l’Europe se positionne comme un nouvel acteur prêt à relever le défi.
Un récent article met en lumière le rayon de cinq heures autour de Londres comme un concurrent émergent, prêt à contester la suprématie de la Silicon Valley en tant qu’écosystème d’innovation et de capital-risque de premier plan, et à s’imposer comme le « nouveau Palo Alto ». Mais l’Europe peut-elle réussir dans sa quête pour devenir un leader mondial du développement de licornes — et potentiellement surpasser la Silicon Valley ?
L’Europe réussira-t-elle face à la Silicon Valley ?
Pour évaluer les perspectives de l’Europe, il est essentiel de comprendre pourquoi la Silicon Valley réussit et si l’Europe peut faire mieux. Bien que de nombreuses régions aspirent à imiter et dépasser la Silicon Valley, peu ont réussi — en particulier dans les démocraties.
3 raisons pour lesquelles la Silicon Valley domine le monde des licornes
#1. La Silicon Valley est leader dans les industries émergentes
Presque toutes les entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars, de Walmart dans les années 1960 à Airbnb dans les années 2000, ont commencé par exploiter des technologies disruptives, redéfinissant des secteurs entiers grâce à des tendances révolutionnaires. Ces tendances et technologies sont essentielles pour le développement des licornes, car elles permettent aux nouvelles entreprises de cibler des marchés sous-exploités ou non desservis avec de nouvelles solutions et de nouveaux modèles économiques.
Les entreprises existantes peinent à adopter ces nouveaux modèles sans prendre de gros risques ni perturber leur activité principale. La disruption d’un secteur permet à une start-up de devenir une licorne tout en surpassant les géants existants. La Silicon Valley excelle dans cet exercice, produisant des entreprises comme Apple, Uber ou Airbnb. En revanche, les succès européens notables, comme ceux des frères Samwer, se sont souvent concentrés sur la reproduction des licornes de la Silicon Valley plutôt que sur la création de nouvelles industries.
Question : Les pôles technologiques européens, notamment à Londres, Berlin et Amsterdam, peuvent-ils développer le leadership mondial nécessaire pour défier la domination de la Silicon Valley ? Selon Mark Zuckerberg, l’Europe ne semble pas se positionner comme un leader dans l’intelligence artificielle, qui est l’industrie phare des start-up aujourd’hui. Son analyse est-elle exacte ?
#2. Prédire le succès des start-up dans les industries émergentes est presque impossible
Les investisseurs en capital-risque échouent dans environ 80 % de leurs projets, car il est extrêmement difficile de prédire les gagnants dans les industries émergentes, même pour les investisseurs chevronnés. Apple et Google ont été rejetés par plusieurs investisseurs, et Airbnb a eu du mal à attirer des business angels à ses débuts.
Mais la Silicon Valley dispose d’un écosystème dense d’entrepreneurs prêts à lancer des start-up à fort potentiel, ainsi que d’un solide réseau d’investisseurs providentiels prêts à financer les premiers stades des projets. Quelques succès suffisent à propulser les industries émergentes.
Les 20 principaux fonds de capital-risque de la Silicon Valley ont également un avantage sur leurs concurrents : ils investissent tôt, juste après le « moment Aha », lorsque le risque est élevé, mais qu’ils entrevoient un potentiel de succès majeur. Pour améliorer leurs chances, ils remplacent l’entrepreneur par un PDG professionnel dans jusqu’à 85 % des cas et investissent massivement pour réussir. Par exemple, Benchmark Partners a investi dans eBay après que Pierre Omidyar ait prouvé le potentiel de son entreprise, puis l’a remplacé par la PDG professionnelle Margaret Whitman. Fait intéressant, presque tous les 20 principaux fonds de capital-risque se trouvent dans la Silicon Valley ou y ont des bureaux.
Question : L’Europe dispose-t-elle des atouts nécessaires — des entrepreneurs visionnaires, des investisseurs providentiels audacieux et des fonds de capital-risque compétents — pour dominer après le « moment Aha » ?
#3. Un grand nombre d’entrepreneurs à fort potentiel est nécessaire, et la Silicon Valley attire les meilleurs talents du monde entier
Dans le monde du capital-risque, le succès est un jeu de nombres. Sur environ 100 000 start-up, seulement 100 reçoivent un financement de capital-risque, et une seule a des chances de devenir une licorne. La Silicon Valley réussit mieux que toute autre région grâce à sa capacité à attirer une masse critique d’entrepreneurs à fort potentiel prêts à prendre des risques, ainsi qu’un réseau solide d’investisseurs providentiels prêts à risquer leur capital.
Depuis les années 1970, la Silicon Valley renouvelle continuellement son vivier d’entrepreneurs à travers différentes vagues industrielles — des semi-conducteurs à l’intelligence artificielle. Mais son avantage ne s’arrête pas à l’attraction des talents. Une fois le « moment Aha » atteint, les principaux fonds de capital-risque de la Silicon Valley interviennent avec des financements massifs, utilisant le capital comme une arme pour surpasser leurs rivaux et dominer les industries émergentes. La Silicon Valley gagne dès lors qu’une de ses nombreuses start-up réussit — et cela semble se produire de manière répétée.
Question : L’Europe peut-elle développer ou attirer suffisamment d’entrepreneurs motivés à fort potentiel et des business angels expérimentés pour stimuler son propre écosystème entrepreneurial axé sur les licornes, ou ces talents continueront-ils à migrer vers la Silicon Valley, comme les frères Collison de Stripe qui ont quitté l’Irlande pour la Californie ?
Mon avis : L’atout clé de la Silicon Valley réside dans son écosystème entrepreneurial, pas dans son écosystème de capital-risque.
Si les investisseurs en capital-risque jouent un rôle dans la croissance des start-up, ils interviennent souvent après le « moment Aha », revendiquent les succès et passent sous silence leurs échecs. Sans entrepreneurs à fort potentiel pour stimuler l’innovation et sans investisseurs providentiels pour prendre des risques, le modèle du capital-risque s’effondrerait.
Pour prospérer, l’Europe doit prioriser la création de son propre écosystème entrepreneurial, qui sera la pierre angulaire d’une croissance durable. Cela signifie former une population large, diverse et motivée, capable d’identifier des opportunités émergentes et de lancer des start-up de manière autonome, sans dépendre des fonds de capital-risque.
Après tout, personne ne peut prédire la prochaine licorne en analysant une présentation ou en jugeant le charisme d’un fondateur ; la clé du succès réside dans un environnement qui favorise l’audace, l’esprit entrepreneurial et le développement des compétences nécessaires à la réussite.
L’Europe réussira si elle parvient à créer des opportunités dans les industries émergentes et à encourager les entrepreneurs à agir avec des compétences financières intelligentes. Cela permettra à l’Europe de déclencher sa propre vague de licornes, fondée sur ses entrepreneurs, sans dépendre uniquement du capital-risque.
Enfin, la Silicon Valley fonctionne comme un casino, où les entrepreneurs à fort potentiel, les business angels expérimentés et les fonds de capital-risque parient sur les tendances émergentes dans l’espoir de décrocher le jackpot. Dans ce jeu à haut risque, de nombreuses start-up échouent, mais « la maison » — l’écosystème de la Silicon Valley — gagne grâce à quelques succès retentissants.
Selon l’analyse de Zuckerberg, il est peu probable que l’Europe dépasse la Silicon Valley en 2025. L’Europe devra peut-être attendre que la Silicon Valley s’endorme sur ses lauriers ou que les États-Unis durcissent leurs politiques d’immigration.
Cet texte est une traduction de l’article « Europe Vs. Silicon Valley 2025: Can Europe Dominate The Unicorn Race? » publié sur Forbes.com par Dileep Rao.